La mort de Jean-Marie Le Pen vue par les chaines d’informations

Mort de Jean-Marie Le Pen

Comme chaque semaine Samuel Gontier nous livre dans Télérama sa chronique, « En léger différé ». Cet article caustique ausculte avec humour les travers de celles et ceux qui font le petit écran.

Cette semaine, il s’est intéressé au traitement de l’annonce de la mort de Jean-Marie Le Pen sur CNews et BFM TV.

Il y a longtemps que ces chaines, dites d’informations, et dont elles n’ont que le nom, n’apportent plus rien au débat qu’elles pensent provoquer. Non, à longueur d’antenne, elles délivrent un flot continu de contre-vérités et d’opinions toutes marquées à l’extrême droite.

Sur ces antennes, Le Pen est considéré comme une figure « controversée » de la vie politique… Or, il reste un dangereux délinquant multiplement condamné pour diffamation, injure publique, coups et blessures volontaires, provocation à la haine et à la discrimination ethniques, contestation de crime contre l’humanité, apologie de crime de guerre, antisémitisme …

MRJ-MOI vous livre in extenso l’article de Télérama qui raconte combien journalistes et commentateurs, éduqués ou sensés l’être, détenteurs pour certain.e.s d’entre elles et eux d’une carte de presse ont tous, à l’unisson, célébré sa disparition.

“Lanceur d’alerte”, “visionnaire”, “prophète” : CNews et BFMTV saluent le “génie” de Jean-Marie Le Pen.

“EN LÉGER DIFFÉRÉ” – Mardi dernier, la mort de Jean-Marie Le Pen fut l’occasion d’une véritable entreprise de réhabilitation menée par toutes les nuances de l’extrême droite. Elle a été accueillie avec bienveillance sur le plateau de BFMTV, avec ferveur sur celui de CNews.

Une figure controversée » pour BFMTV. « Une figure controversée » pour LCI. « Une figure controversée »pour CNews. « Une figure controversée » pour TF1… Ne dites plus « raciste », « homophobe », « antisémite », « négationniste », dites : « controversé ». C’est ainsi qu’est présenté Jean-Marie Le Pen le jour de son décès. « Le Menhir », surnom qu’il s’est choisi, est adopté par CNews et même par Neïla Latrous, cheffe du service politique de BFMTV. Sur les deux chaînes défilent Robert Ménard, Florian Philippot, Gilbert Collard, Stéphane Ravier…

Le pluralisme (d’extrême droite) est respecté. BFMTV convoque aussi deux experts, un journaliste de Valeurs actuelles et Arnaud Stéphan, conseiller des Le Pen père et fille. Les figures de CNews, elles, devancent les hommages de leurs interlocuteurs.

« Il avait une culture, une profondeur, une vision », salue Sonia Mabrouk. « J’utilisais le terme de précurseur, est-ce que vous iriez jusqu’à dire visionnaire ? », demande Nelly Daynac à Florian Philippot. « Y a un côté visionnaire », juge Albert Zennou, du Figaro. « Visionnaire sur l’immigration », précise l’essayiste Noémie Halioua. « Sur le lien entre immigration et insécurité, il a été visionnaire », admet Laurent Jacobelli, député RN.

« Sur les questions migratoires, sécuritaires, l’islamisme, il a un côté visionnaire », résume l’éditorialiste Gauthier Le Bret. « Il a toujours été visionnaire sur l’immigration », insiste Charlotte d’Ornellas, du JDD.Christine Kelly s’étonne : « Peu reconnaissent ce côté visionnaire, comment l’expliquer ? » Ils ne regardent pas CNews. Ni BFMTV, où ne sont jamais contestés les mêmes propos tenus par Florian Philippot : « Ce qui restera, c’est l’aspect visionnaire sur la question migratoire. »

Sur CNews, Laurence Ferrari aussi loue « sa clairvoyance sur les questions d’immigration lorsqu’il dénonçait le risque de submersion de la France ». Pour Jérôme Sainte-Marie, présenté en « homme de sondages » alors qu’il était candidat RN aux dernières législatives, « il apparaît comme un lanceur d’alerte ». « Un lanceur d’alerte sur les dangers de l’islamisme, sur les abus de pouvoir d’un multiculturalisme politique avec toutes ses déviances », développe Éric Revel, rejoint par son collègue Yoann Usaï : « Il avait un côté lanceur d’alerte sur l’islamisation de la France. — Y avait une forme de prophétie », rebondit Nelly Daynac. « Sur l’islam, il avait quelque chose de prophétique », admire Pascal Praud. « Il fut le grand prophète.

Ça, personne ne pourra le lui enlever », convient Gilbert Collard sur CNews… et sur BFMTV : « J’appréciais son prophétisme, qu’on ne peut pas discuter. » Il ne le sera pas. Pour commémorer l’attaque du 7 janvier 2015, Mathieu Bock-Côté sermonne : « Si la France avait appliqué la politique migratoire souhaitée par Jean-Marie Le Pen, les gens de Charlie Hebdo seraient encore vivants. »

BFMTV diffuse des extraits d’un très émouvant entretien de 2018, Le Pen est interrogé sur l’épitaphe de sa tombe. « J’ai lu que vous vouliez juste votre prénom. — Oui, à l’imitation de José Antonio Primo de Rivera. »Personne ne relève qu’il s’agit du fondateur de la Phalange espagnole, érigé en martyr par le régime franquiste.

Les experts préfèrent réagir aux réactions. « Le communiqué de l’Élysée est d’une sobriété totale, c’est une fiche Wikipédia », estime Neïla Latrous sur BFMTV, comme Louis de Raguenel sur CNews : « C’est une biographie, c’est une page Wikipédia, ce communiqué. » Pas tout à fait : au contraire de l’encyclopédie en ligne, le texte de l’Élysée ne fait nulle mention des multiples condamnations du défunt pour apologie de crimes de guerre, contestation de crimes contre l’humanité, provocation à la haine, etc.

Sonia Mabrouk croit discerner « une polémique sur ce qui s’est passé en Algérie. Certains l’ont accusé de torture. Il y a beaucoup de zones d’ombre ». « Des journalistes, Lionel du Roy pour Libération, Florence Beaugé pour Le Monde, ont retrouvé certaines de ses victimes à Alger », expose l’historien Fabrice Riceputi sur France 24. « Il n’a jamais été clair sur le sujet, persiste Neïla Latrous sur BFMTV. C’est une des zones d’ombre qu’il emmène avec lui dans sa tombe. » « Une quinzaine de victimes directes de Jean-Marie Le Pen racontent de façon extrêmement circonstanciée ce qu’il a lui-même revendiqué en 1962 au journal Combat », précise Fabrice Riceputi.

Seuls ces journalistes de BFMTV et CNews semblent donc ignorer que les « zones d’ombre » sont parfaitement éclairées. Les mêmes continuent à nommer « dérapages » de véritables délits. « Provocations ou dérapages ?, interroge Pascal Praud. Le débat peut exister. » Il est bien délimité. Peu importe à Charlotte d’Ornellas, « l’homme a été central dans la vie politique, ça se joue pas sur quelques phrases ou dérapages ».

De toute façon, « l’antisémitisme, aujourd’hui, il est pas au RN, il est à LFI, plaide Yoann Usaï. Les factieux, ils sont à LFI ». D’ailleurs, « Marine a fait du RN un nouveau RPR », soutient Alexandre Devecchio. Éric Revel la plaint : « 

N’oubliez jamais la difficulté, lorsque vous êtes la fille d’un homme politique tellement controversé, de vivre quand vous êtes adolescente, c’est absolument terrifiant. — Ce nom l’a discriminée dans toute sa vie de femme », s’apitoie Rachel Khan. Gauthier Le Bret anticipe : « L’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen se fera en rupture avec la stratégie du père. » Et avec l’aide de CNews.

Samuel Gontier, Télérama (version en ligne) publiée le 10 janvier 2025

Le pen facho

PARTAGER CET ARTICLE

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Restons en contact

Inscrivez vous à notre newsletter pour être informés de nos dernières publications et de notre actualité